Inclure les voix autochtones dans les discussions sur le nucléaire au Canada

Par Sue Prince et Julia Domaradzki|13 juin 2024
Inclure-les-voix-autochtones-dans-les-discussions-sur-le-nucléaire-au-Canada

Le Canada prend des mesures pour faire face aux changements climatiques grâce à des initiatives en matière d’énergie propre, notamment le Plan d’action canadien des petits réacteurs modulaires (PRM), élaboré en 2020 dans le cadre de son investissement considérable dans des solutions de rechange aux réacteurs nucléaires traditionnels.

Bien que les concepteurs de PRM collaborent avec les peuples autochtones dans le cadre de projets nucléaires depuis des décennies, des groupes de défense des droits comme l’Assemblée des Premières Nations exigent des efforts plus significatifs pour consulter les Autochtones et recueillir leurs commentaires.

Historiquement, les peuples autochtones ont été marginalisés dans un contexte d’appropriation coloniale des terres et des ressources par le Canada.Avant la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada (ci-après « la Loi »), la mise en valeur des ressources, y compris l’énergie nucléaire, n’exigeait pas la consultation des peuples autochtones. La Loi, ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) de 2021, énonce les principes qui doivent être respectés à l’égard de toute activité de développement des ressources, y compris l’obligation de collaborer et d’en discuter avec les peuples autochtones.

La DNUDPA évoque aussi le consentement préalable, libre et éclairé, qui constitue un cadre pour la réconciliation.En ce qui concerne l’énergie nucléaire et les déchets nucléaires, la législation reconnaît le droit inhérent des peuples autochtones à l’autodétermination.En vertu de ce droit, les Autochtones doivent faire partie du processus décisionnel pour tout ce qui concerne l’incidence qu’auront les projets de développement nucléaire et de gestion des déchets nucléaires sur leurs communautés et leur environnement.

Une perspective personnelle

Nous nous sommes éloignées des méthodes de recherche conventionnelles pour l’élaboration de notre document de recherche intitulé Nuclear Development and Waste Management: Meeting Indigenous Peoples’ Needs and Values on Proposed Approaches and Solutions (Le développement de l’énergie nucléaire et la gestion des déchets nucléaires : s’assurer que les approches et les solutions proposées correspondent aux besoins et aux valeurs des peuples autochtones).Adoptant plutôt une approche s’inspirant des traditions narratives des Premières Nations, nous avons interrogé six professionnels des Premières Nations à l’échelle du Canada.Chacune de ces personnes entretenait un lien étroit avec sa culture, ses traditions et l’industrie nucléaire.Nous avons utilisé des citations tirées de ces entrevues pour orienter nos cinq recommandations finales.

Les six personnes interrogées avaient des points de vue différents sur l’énergie nucléaire, mais partageaient un lien spirituel et culturel avec la terre et l’eau, ainsi qu’un sentiment de responsabilité à leur égard.Toutes les personnes interrogées ont parlé de l’importance de préserver et de protéger l’environnement pour les générations futures.

Toutes souscrivaient à un enseignement appelé le principe des sept générations, selon lequel les actions de tous les humains aujourd’hui peuvent avoir une forte incidence sur l’avenir des sept prochaines générations.Cet enseignement renforce l’importance de laisser un legs positif afin que les générations futures puissent, elles aussi, bénéficier de la terre et de ses ressources.Cet enseignement s’adresse à tous les êtres humains qui bénéficient actuellement de l’environnement et nous inculque notre responsabilité commune de le protéger.

L’une des personnes interrogées nous a parlé d’un fait fascinant qui incarne parfaitement cet enseignement. À l’époque de la Seconde Guerre mondiale, les Dénés du Sahtu, dans les Territoires du Nord-Ouest, avaient transporté de l’uranium qui, à leur insu, a ensuite été utilisé dans la bombe atomique larguée sur Hiroshima, au Japon.Cet événement marquant de l’histoire a encore des répercussions sur les générations actuelles.Or, lorsque les Dénés du Sahtu l’ont appris, ils ont envoyé une délégation au Japon pour exprimer leurs remords aux survivants de la bombe.Même s’ils ignoraient d’abord qu’elle était son utilisation prévue, il était de leur devoir d’assumer leur part de responsabilité et de s’excuser du fait que l’uranium venait de leur territoire.

La voie à suivre

Tous les participants à l’entrevue ont mentionné l’éducation, les partenariats et le développement conjoint comme étant la voie à suivre, affirmant que les Premières Nations ont le droit de décider comment elles veulent participer aux projets de développement nucléaire et de gestion des déchets nucléaires.Puisque le développement nucléaire aura un impact sur leurs territoires traditionnels, il est absolument crucial que les Autochtones prennent p.Il est tout aussi important que les communautés des Premières Nations aient accès à des possibilités de développement conjoint et de partenariat, une telle approche s’inscrivant dans un processus décisionnel éclairé dans le cadre d’une véritable réconciliation économique.

Bon nombre des participants à l’entrevue ont insisté sur l’importance d’un engagement bien organisé, qui comprend une représentation exacte et équitable.Dans le cas qui nous intéresse, cela s’appliquait aux quatre provinces (Ontario, Alberta, Saskatchewan et Nouveau-Brunswick) qui ont approuvé le Plan d’action pour les petits réacteurs modulaires.

Certains participants ont souligné que les consultations, pour être significatives, nécessitent que les Premières Nations aient une compréhension approfondie de tous les aspects du développement nucléaire.

L’éducation a été citée comme un élément fondamental de la participation éclairée, l’accent étant mis sur la nécessité, pour l’industrie et le gouvernement, de donner accès aux informations utiles sous une forme que les communautés autochtones pourront comprendre.De plus, il est important de comprendre que ce processus prend du temps; il faut éviter de faire pression sur les communautés pour qu’elles prennent des décisions immédiates en fonction des échéanciers de l’industrie et du gouvernement.

Les partenariats et les options d’investissement en actions étaient aussi jugés essentiels pour les Premières Nations.D’un point de vue générationnel, ces sources de revenus favorisent la pérennité des communautés, ce qui soutient leur culture et leurs valeurs.Les Autochtones peuvent et doivent agir à titre de co-développeurs et de co-propriétaires.

Sans surprise, tous les participants ont affirmé que la jeune génération est la clé de la réussite future et ont suggéré que l’on initie les jeunes Autochtones aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques dès leur enfance.Selon les personnes interrogées, cette façon de faire favoriserait la prise de décisions éclairées par leurs futurs dirigeants dans le domaine du développement nucléaire.

Collectivement, les entrevues ont donné lieu à cinq recommandations : 

  1. Engagement précoce
  2. Éducation et prise de décisions éclairées
  3. Représentation
  4. Environnement et sept générations
  5. Réconciliation économique

Selon ce qu’indique notre étude, la mise en œuvre de ces recommandations constituerait une bonne première étape en vue d’une représentation équitable à la table décisionnelle.

Chez Hatch, nous croyons que le succès d’un projet doit aller au-delà de l’atteinte des objectifs commerciaux.Un projet doit incarner pleinement notre vision qui consiste à mieux outiller les communautés concernées afin qu’elles puissent s’épanouir et prospérer, leur assurant ainsi un avenir meilleur.

Nos experts vont à la rencontre des gens et sont à l’écoute de leurs valeurs.
Découvrez l’avenir de l’engagement communautaire durable.

Nous vous invitons à lire notre étude approfondie, Development and Waste Management: Meeting Indigenous Peoples’ Needs and Values on Proposed Approaches and Solutions, et à participer à la conversation sur des solutions novatrices qui respectent les principes et les points de vue des communautés autochtones.




Julia Domaradzki

Analyste, Engagement communautaire et performance sociale

Julia est Analyste au sein de l’équipe Engagement communautaire et performance sociale de Hatch.Forte de son expérience dans le secteur privé et dans la fonction publique, Julia atteint efficacement nos objectifs en matière d’engagement et offre un excellent service aux clients.Elle possède également de l’expérience en soutien des processus réglementaires, notamment en ce qui concerne les droits prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle et l’obligation de consulter dans le cadre des projets de transport et d’exploitation minière.Elle a aussi été déléguée à l’Assemblée des jeunes des Nations Unies en 2016, et continue de militer pour le développement durable et un engagement communautaire significatif.Julia est titulaire d’un baccalauréat ès arts en sciences politiques et en français, avec mineure en espagnol, ainsi que d’une maîtrise en affaires publiques et internationales.

Nos points de vue

D’autres discussions sur les défis les plus complexes au monde

D’autres billets de blogue