L’industrie minière sur la voie de la carboneutralité : le moment est venu

Par Michael Bobotis|Le 23 novembre 2023

Ces dernières années, l’industrie minière s’est préparée à la transition énergétique mondiale. Elle a fait des investissements majeurs, s’engageant à atteindre deux objectifs ambitieux, mais contradictoires : d’une part, augmenter la production pour répondre à la demande croissante en minéraux et métaux critiques, et d’autre part, faire passer toute la chaîne de valeur – de la mine au marché – à l’énergie verte.

C’est là l’une des plus grandes dichotomies de l’histoire minière moderne. Un avenir sans émission, où les changements climatiques sont maîtrisés, dépend de l’expansion et de la transformation d’une industrie qui est connue pour ses projets onéreux, son aversion pour le risque, sa grande dépendance aux combustibles fossiles; qui doit composer avec l’épuisement des ressources à teneur élevée, une productivité opérationnelle en baisse, une dette qui grossit, l’instabilité accrue du marché et une pénurie sans précédent de main-d’œuvre.

Or, comme l’affirmait en 2020 Larry Fink, PDG de BlackRock, les risques climatiques représentent aussi un risque pour les investissements. Depuis, des sommes importantes et des mécanismes de financement sont redirigés vers des indicateurs-clés de performance durable, et de multiples gouvernements partout sur la planète adoptent des politiques et des initiatives de réduction des émissions visant plusieurs secteurs. Dans le secteur minier, est-ce que ces investissements portent leurs fruits?

L’industrie minière commence-t-elle à faire de réels progrès et à surmonter les obstacles qui se dressent devant son avenir carboneutre? Ou est-elle plutôt empêtrée dans l’élaboration et la mise en place de solutions de décarbonisation viables? Les transactions et engagements relatifs à l’environnement, à la responsabilité sociale et à la gouvernance risquent-ils d’étouffer la viabilité des prochaines exploitations minières? Ou, au contraire, est-ce que la pression des investisseurs, la tarification du carbone, la réglementation sévère et les incitatifs gouvernementaux poussent l’industrie minière sur la seule voie possible?

La réponse courte à toutes ces questions est oui! De nombreuses innovations et collaborations voient effectivement le jour, ce qui incite l’industrie à prendre plus de risques que jamais auparavant. Cependant, plusieurs freins technologiques, pratiques et économiques empêcheront une réduction ambitieuse et à grande échelle des gaz à effet de serre, surtout dans la prochaine décennie.

Certaines mines réaliseront des réductions importantes en relativement peu de temps, mais elles seront l’exception à la règle.

Être agile et savoir s’adapter à l’ère des engagements

Dans le secteur minier, la plupart des solutions et engagements de décarbonisation concernent l’élimination des émissions de portée 1 (émissions directes à la source) et reposent fortement sur l’approvisionnement en énergie renouvelable pour réduire les émissions de portée 2 (émissions indirectes issues de l’énergie achetée). Pourtant, ces deux portées ne représentent qu’une petite part du gâteau comparativement aux émissions de portée 3 (émissions indirectes générées en amont et en aval des activités minières), pour lesquelles nous avons besoin de rapports davantage précis et transparents. De tels rapports permettraient d’établir des cibles de décarbonisation définitives pour la mise en marché des métaux et minéraux critiques.

L’atteinte, d’ici 2050, des cibles de carboneutralité pour les portées 1 et 2 nécessitera des investissements majeurs dans les prototypes, les essais et le déploiement de technologies et de solutions décarbonées viables. Deux activités minières dépendent toujours grandement des combustibles fossiles : le transport et la comminution (c’est-à-dire le concassage et le broyage) des substances extraites des mines

De nombreux aspects de la comminution se prêtent à la réduction de la consommation énergétique et des émissions, allant de l’analyse et de l’optimisation du circuit à l’amélioration de la fragmentation par explosion en passant par le forage en amont, la préconcentration et le triage du minerai, sans oublier la refonte voire le remplacement des circuits en place et l’utilisation limitée de corps broyants. Le principal défi demeure le remplacement de l’équipement mobile lourd fonctionnant au diesel.

Les batteries : il y a un coût

Pendant longtemps, l’équipement minier alimenté au diesel s’est avéré indispensable pour la majorité des méthodes d’extraction courantes et énergivores, offrant aux mines la combinaison idéale de souplesse opérationnelle, productivité et précision face aux fluctuations de prix des produits de base. Depuis peu, les mines souterraines se tournent vers les véhicules électriques à batterie (VEB) pour réduire la chaleur et les matières particulaires diesel produites par l’équipement, ce qui leur permettrait d’abaisser les coûts de ventilation et de creuser plus profondément.

Cependant, même si l’éventail de véhicules électriques et de chargeurs disponibles s’élargit, les résultats positifs qui encourageraient l’adoption massive des VEB sous terre ne sont pas au rendez-vous. En effet, le recours aux VEB ne garantit pas de retombée économique intéressante puisqu’ils ont de nombreuses limitations selon l’utilisation prévue. De plus, le coût total de propriété n’est pas attrayant comparativement à celui des véhicules diesel.

Dans le cas des mines de surface, qui utilisent de l’équipement de bien plus grandes dimensions que les mines souterraines, le déploiement des VEB force la mise en place de changements majeurs dans les activités minières typiques. On doit alors prendre toute la mesure des limitations des batteries sur le plan de l’autonomie, de la capacité et de la vitesse de recharge. Ce problème est amplifié par l’emploi de tombereaux de chantier (qui représentent la majorité des émissions de portée 1 de l’exploitation minière en roche dure) parce que leur cycle de service nécessite une grande quantité d’énergie.

Les principaux fabricants ont l’intention de produire de gros tombereaux de chantier dans une variété de configurations électriques au cours des dix prochaines années. Nombre de compositions chimiques et de technologies sont mises à l’essai pour restreindre les limitations susmentionnées. Néanmoins, même des modules de batterie qui seraient plus sûrs, adaptés aux besoins de l’industrie, à haute densité ou à recharge rapide peineraient à combler la demande accrue en énergie renouvelable sur place, à atténuer les risques de perturbation dans la chaîne d’approvisionnement (en raison des difficultés liées à l’expansion de la fabrication de batteries) ou à prévenir les interruptions causées par l’introduction d’infrastructures de recharge fixes ou mobiles.

L’hydrogène : le carburant du futur lointain

Comme le démontre la solution de roulage nuGen™ d’Anglo American, les groupes motopropulseurs hybrides à pile à hydrogène fournissent un moyen efficace et intégré de recharger la batterie, ce qui prolonge considérablement l’autonomie des gros camions. Les camions à pile à hydrogène, avec l’avènement de l’entreposage embarqué renforcé d’hydrogène liquide, ont le potentiel de rivaliser avec les camions au diesel en matière d’autonomie et de souplesse opérationnelle.

En fin de compte, l’adoption de l’hydrogène dans le secteur minier s’apparente au débat de l’œuf ou la poule. Une production régionale importante et des économies d’échelle sont nécessaires pour que l’hydrogène, surtout l’hydrogène vert, soit aussi rentable que les combustibles fossiles et convienne à plusieurs types d’utilisation. Par ailleurs, l’établissement d’une chaîne d’approvisionnement en hydrogène, en particulier pour les mines en régions éloignées, pourrait générer plus d’émissions que l’utilisation de combustibles fossiles.

À la mine, l’infrastructure d’entreposage, de compression et de ravitaillement sera également très coûteuse et devra être énorme pour compenser d’éventuelles perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. On prévoit toutefois une croissance exponentielle de la production d’hydrogène vert dans les vingt prochaines années, et les coûts actualisés devraient éventuellement concurrencer ceux des combustibles fossiles. La question est de savoir quand cette croissance aura lieu.

Les biocarburants : plus de mal que de bien?

De nombreux secteurs s’intéressent peu à peu aux biocarburants de nouvelle génération, notamment le diesel renouvelable fabriqué à partir d’huile végétale hydrotraitée (HVO), pour atteindre leurs cibles de faibles émissions pendant le cycle de vie des véhicules. Comme l’illustre l’annonce récente de Cummins concernant la certification de ses moteurs à haute puissance pour l’utilisation de HVO non mélangée, les produits de substitution au diesel promettent une incidence négligeable sur la performance des moteurs et peu – voire aucune – modification aux exigences en matière de transport et de stockage du carburant

Mais, comme dans le cas de l’hydrogène, la disponibilité sur le marché et les méthodes durables d’approvisionnement et de production d’une biomasse conséquente posent un défi énorme. Sans compter que les effets négatifs sur l’environnement et la biodiversité soulèvent maints débats. Par ailleurs, de plus grands émetteurs que l’industrie minière, comme les secteurs du transport et de la construction, voudront mettre la main sur les biocarburants pour assurer leur propre avenir carboneutre. Alors, quelle option nous reste-t-il?

La décarbonisation par étapes : on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre

Bien qu’on s’attende à ce que l’exploitation minière traditionnelle soit chose du passé avant 2050, il n’existe pas (encore) de solutions clés en main garantissant que le passage à une décarbonisation complète sera sécuritaire et rentable au cours de la prochaine décennie.

L’efficacité énergétique est le mot d’ordre. À mesure que les sources d’énergie renouvelable gagnent en résilience et en rentabilité, il devient essentiel :

  • d’intégrer des solutions transitoires de décarbonisation aux activités minières (p. ex., système de recharge par pantographe, camions de roulage autonomes, concassage et convoyage dans les puits, véhicules électriques à motorisation hybride, biocarburants, etc.);
  • de mettre à l’essai et de déployer graduellement de nouvelles solutions à zéro émission afin d’améliorer et d’élargir les cas d’utilisation viables;
  • d’investir dans les technologies futures en promettant d’aller au-delà de la carboneutralité (p. ex., captage et séquestration du carbone) et d’atteindre d’autres objectifs dans le respect de la nature.

En choisissant Hatch comme partenaire et en privilégiant une approche échelonnée de la décarbonisation, vous ajouterez de la valeur à chaque actif minier de façon efficace et graduelle. Nous possédons l’expérience et l’expertise nécessaires pour vous aider à mettre en œuvre des solutions de décarbonisation éprouvées et émergentes, à exploiter les ressources minérales et à optimiser les mesures de réduction du carbone, tout en maintenant des activités fiables, sécuritaires et profitables.

Nous avons constaté une croissance marquée de l’intendance environnementale dans l’industrie minière, notamment un élan positif vers la réduction de la consommation d’eau sur place, de la production de déchets et de la perturbation des terres. Il doit en être de même pour la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Bien que la transition ne sera pas facile, nous sommes convaincus que l’industrie minière en ressortira plus forte.

Michael Bobotis

Responsable, Décarbonisation des mines, Exploitation minière

Michael Bobotis est Consultant, Ingénieur et Technologue en exploitation minière, et travaille actuellement à partir de Montréal, au Canada. Depuis ses débuts chez Hatch, Michael a travaillé à de nombreux projets miniers d’envergure internationale en tant que Gestionnaire de projet, Directeur, Ingénierie et Spécialiste en exploitation minière dont les mandats ciblaient différents produits de base et méthodes d’exploitation souterraine. Dans le cadre des initiatives des équipes Numérique et Changements climatiques de Hatch, et dans son rôle de représentant de Hatch au sein du Conseil de direction du groupe Global Mining Guidelines (GMG), Michael s’efforce de promouvoir des pratiques exemplaires, ainsi que des pratiques techniques et de gestion novatrices pour l’exploitation minière, notamment pour la décarbonisation, la numérisation et l’automatisation des mines établies et émergentes.

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