Chaleur géothermique et systèmes énergétiques collectifs : décarboniser le chauffage grâce à la Terre
Alors que le monde s’efforce de réduire les émissions de carbone par l’entremise du marché des véhicules électriques et de trouver des solutions de production d’énergie renouvelables, on néglige souvent une grande source d’émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire les bâtiments. Afin de respecter leurs engagements en vertu de l’Accord de Paris, le Canada et le reste du monde doivent accorder autant d’importance à la réduction de toutes les sources d’émissions.
Les émissions de GES provenant des entreprises et des maisons sont principalement causées par l’utilisation de combustibles fossiles pour le chauffage. Comme le montre la figure 1, le secteur des bâtiments constitue la troisième source d’émissions au Canada. Les Canadiens ont tendance à utiliser plus d’énergie pour le chauffage et la climatisation en raison de l’étalement de la population et des fluctuations saisonnières de la température.
Figure 1 : Répartition des émissions du Canada par secteur économique1
L’examen de la consommation d’énergie résidentielle au Canada nous permet de constater que 83 % de l’énergie est utilisée pour le chauffage et la climatisation de l’espace et de l’eau. La figure 2 présente une répartition des principales sources de consommation d’énergie dans un foyer canadien. La consommation d’énergie des bâtiments est le troisième émetteur en importance à l’échelle mondiale; elle représente environ 18 % des émissions totales de GES, dont la moitié est attribuable au chauffage et à la climatisation. Par conséquent, la transition vers un avenir à faible empreinte carbone est largement tributaire de la décarbonisation de la consommation d’énergie nécessaire au chauffage et au refroidissement.
Figure 2 : Consommation d’énergie résidentielle au Canada2
Le chauffage géothermique – qui comprend l’énergie solaire stockée pouvant être utilisée pour le chauffage et la climatisation – peut remplacer les combustibles fossiles actuellement utilisés. Certains détracteurs croient que le Canada n’est pas un candidat idéal pour ce type de système en raison de sa faible activité géothermique. Cependant, la température des ressources géothermiques ne doit pas nécessairement être très élevée lorsqu’il s’agit d’utiliser directement la chaleur. L’énergie solaire stockée sous terre à seulement quatre mètres de profondeur suffit pour chauffer les bâtiments.
Les pompes géothermiques utilisent le sol, l’eau souterraine ou l’eau de surface comme source et puits de chaleur, et peuvent absorber ou rejeter la chaleur du sol au moyen d’un échangeur thermique appelé boucle souterraine. Elles assurent ainsi un échange de chaleur entre l’air intérieur et le fluide qui circule dans la boucle souterraine. Bien que l’énergie géothermique ne puisse être considérée comme de l’énergie propre à 100 % (les thermopompes utilisent parfois l’électricité produite par des combustibles fossiles), les thermopompes contribuent à réduire les émissions de carbone puisqu’elles ne produisent pas de combustion ni d’émission de gaz de combustion. Par conséquent, les pompes géothermiques pour le chauffage urbain sont une technologie-clé pour décarboniser le secteur du chauffage et réduire la dépendance aux combustibles fossiles.
L’Europe, la Russie et la Chine montrent la voie à suivre en matière de chauffage urbain partout dans le monde. Les ressources de chaleur géothermique sont utilisées dans les réseaux de chauffage urbain depuis de nombreuses années, l’Europe étant actuellement le fer de lance du marché. Il existe plus de 5 000 réseaux de chauffage urbain en Europe, principalement en Europe centrale et occidentale et en Scandinavie. De ce nombre, seulement 280 utilisent de l’énergie géothermique. De tous les pays européens, l’Islande a produit de loin le plus grand volume d’applications de chauffage urbain provenant de la géothermie, suivi de la France, de l’Allemagne et de la Hongrie. Reykjavik possède le système géothermique de chauffage urbain le plus vaste et le plus perfectionné au monde, utilisant de l’eau chaude naturelle pour chauffer les bâtiments et les maisons de la ville depuis 1930. Le gouvernement islandais a joué un rôle crucial en offrant de nombreux prêts et subventions.
Figure 3 : Principaux utilisateurs de réseaux de chauffage urbain3
Au Canada, Mattamy Homes et Enwave Energy Corporation ont construit une communauté de 300 habitations à Markham, en Ontario – la plus grande du genre au pays – qui utilisera un système géothermique urbain pour le chauffage, la climatisation et l’eau chaude domestique. Hatch a agi à titre de conseillère technique pour le système de pompes géothermiques en amont de la conception détaillée du projet en 2020. À l’appui de cette initiative, l’Atmospheric Fund a accordé une subvention de plus de 225 000 $ sur deux ans à la ville de Markham pour la recherche, la coordination et la conception de concepts initiaux d’un quartier à consommation énergétique nette zéro fondé sur un système géothermique urbain. Hatch est en mesure d’apporter du soutien aux études de faisabilité, à la planification, à l’ingénierie et à l’élaboration d’un dossier commercial pour ceux qui cherchent à utiliser la géothermie pour le chauffage urbain.
Bien que la chaleur géothermique en tant que ressource soit gratuite, son utilisation entraîne des coûts initiaux élevés. Habituellement, l’installation de systèmes de pompes géothermiques peut être très coûteuse pour une maison ou un bâtiment. Toutefois, les économies d’échelle réalisées lors de la mise en œuvre de ces systèmes pour le chauffage urbain en vue d’alimenter plusieurs maisons existantes ou une communauté permettent une utilisation plus abordable et plus répandue. Autre avantage, certaines sections de tuyaux de ces systèmes peuvent être enfouies à l’horizontale plutôt qu’à la verticale, ce qui peut réduire davantage les coûts puisque le forage vertical est coûteux. En fin de compte, les économies d’énergie et d’entretien à long terme compensent les dépenses initiales.
Il est possible d’utiliser la chaleur géothermique pour fournir chauffage et climatisation aux clients des nouveaux quartiers au moyen d’un réseau de chauffage urbain. Toutefois, il faut que les urbanistes en planifient l’intégration dans la conception, que les gouvernements mettent en œuvre des politiques de soutien et que des subventions soient offertes pour faire évoluer de tels systèmes.
Apprenez en plus ici.
Bibliographie :
1 Gouvernement du Canada, « Sources et puits de gaz à effet de serre : sommaire 2021 », https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/emissions-gaz-effet-serre/sources-puits-sommaire-2021.html
2 Gouvernement du Canada, Ressources naturelles Canada, « Consommation d’énergie dans le secteur résidentiel », 2021, https://oee.nrcan.gc.ca/publications/statistiques/evolution/2017/residentiel.cfm
3 Werner, S., « International review of district heating and cooling », Energy, volume 137, 15 octobre 2017, pages 617-631, extrait de Science Direct, 2020, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S036054421730614X