Le potentiel de la biomasse comme source de combustible de remplacement

Par Kamran Akhtar, ing.|Le 27 juillet 2021

En juin 2019, le gouvernement du Canada a publié le Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement (STFR) afin de limiter les émissions de GES des producteurs industriels. Ce règlement prévoit une limite permise claire de GES en fonction de la capacité de production pour tous les secteurs industriels, y compris celui de l’électricité.

La limite permise pour la production d’électricité à partir de combustibles fossiles solides (c’est-à-dire le charbon) était de 800 t/GWh en 2019, et elle doit progressivement être réduite à 370 t/GWh d’ici 2030. De même, toute nouvelle installation qui produit 50 MW d’électricité ou plus et qui utilise des combustibles gazeux (gaz naturel) doit respecter une limite permise d’émissions de CO2 de 370 t/GWh pour 2021, laquelle doit être nulle d’ici 20301. Les émissions supérieures à ces limites sont imposables.

Ces conditions imposent une restriction financière à la production d’électricité à partir de combustibles fossiles, à moins que les centrales soient équipées d’un système de capture et de stockage du carbone (CSC). Une solution de rechange serait d’explorer des sources d’énergie renouvelable ou de recourir à l’oxycombustion. Une option plus fiable serait toutefois de remplacer les combustibles fossiles par la biomasse ou d’utiliser un mélange de combustibles fossiles et de biomasse dans la mesure du possible.

Les producteurs d’électricité à la recherche d’options à faibles émissions de carbone ont avantage à explorer le potentiel que représente la biomasse comme combustible de remplacement pour alimenter le réseau électrique de façon relativement stable et fiable. En effet, le règlement fédéral sur le STFR considère la biomasse comme un combustible carboneutre. Si une centrale est alimentée à la fois par un combustible fossile et un combustible issu de la biomasse, la réglementation compense la partie des émissions de CO2 produites par la combustion de la biomasse.1

Le Canada compte plus de 70 centrales alimentées à la biomasse de capacités variées, pour une puissance totale de plus de 2 400 MW. Ce chiffre représente 1,7 % de la capacité installée totale au Canada. On peut en déduire qu’avec le nouveau règlement sur le STFR, les provinces comme la Saskatchewan, qui produit environ 10 millions de tonnes de paille de céréales chaque année2, devraient envisager la biomasse comme combustible pour produire de l’électricité tout en réduisant leur consommation de combustibles fossiles et en allégeant le fardeau de la taxe sur le carbone.

Par ailleurs, la biomasse est utilisée pour la production d’électricité partout dans le monde. En 2015, la part de biomasse représentait 2 % de la production totale d’électricité à l’échelle mondiale. La Finlande, l’un des chefs de file dans le domaine de la biomasse, produit 6 % de sa demande totale en énergie avec de la biomasse. La figure 1 met en évidence les principaux producteurs d’électricité dans le monde qui utilisent la biomasse3.

Figure 1 : Production d’électricité à partir de biomasse dans le monde

Production d’électricité à partir de biomasse dans le monde 

L’un des défis liés à l’utilisation de la biomasse comme combustible principal pour la production d’électricité est de trouver un approvisionnement continu et fiable en combustible, surtout s’il provient d’une culture saisonnière. Un approvisionnement durable en combustible peut être géré dans une certaine mesure avec l’entreposage, mais les volumes requis hors saison entraînent des coûts d’entreposage importants. Cette situation pourrait être atténuée si les futurs générateurs de vapeur alimentés par la biomasse étaient équipés de brûleurs qui permettent la combustion d’un autre biocombustible lorsque la source primaire n’est pas disponible.

Autre défi : le transport de la biomasse vers la centrale. Le poids volumétrique des biocombustibles est inférieur de 10 % à 40 % à celui des combustibles fossiles, ce qui signifie qu’il faut un volume plus important pour produire la même quantité de chaleur thermique. De plus, la biomasse est transportée par camion, car le site de production est habituellement éloigné d’un réseau ferroviaire ou d’autres moyens de transport à faible coût. On réduirait considérablement les coûts de transport si les centrales étaient situées près des sources de biocombustible. Pour tirer parti des avantages de la biomasse, il est important d’aménager les centrales alimentées à la biomasse dans les régions où les sources de combustible sont idéales et où le réseau de transport et le raccordement au réseau sont adéquats.

L’un des principaux avantages des centrales alimentées à la biomasse par rapport aux autres options renouvelables, comme l’énergie éolienne et solaire, est la flexibilité de la production d’énergie – flexibilité qui permet de répondre aux fluctuations de charge. Sous réserve d’une disponibilité fiable du combustible, on considère qu’une centrale à la biomasse s’adapte aussi bien aux fluctuations du réseau qu’une centrale à combustibles fossiles. Cet avantage pourrait positionner les centrales alimentées à la biomasse comme unités de soutien du réseau pendant les fluctuations de charge dans l’éventualité où une nouvelle réglementation sur les émissions obligerait les services publics à retirer les centrales à combustibles fossiles.

Autres avantages de la biomasse :

  • neutralité carbone;
  • possibilité de crédits de carbone (avec système CSC);
  • production flexible;
  • réduction de la consommation de combustibles fossiles;
  • source de revenus supplémentaire pour le secteur agricole;
  • saine gestion des déchets.

En résumé, la biomasse représente un énorme potentiel comme source de combustible de remplacement. Elle permettrait de répondre aux exigences en matière d’électricité et d’énergie thermique et d’éviter l’imposition sur les émissions excessives. La récente réglementation concernant la taxe sur le carbone, dont le Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement, renforcera et révélera ce potentiel.

Bibliographie :

1. Gouvernement du Canada, « Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement : DORS/2019-266 », 2019, https://canadagazette.gc.ca/rp-pr/p2/2019/2019-07-10/html/sor-dors266-fra.html

2. Gouvernement du Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, « Outil cartographique d’inventaire de la biomasse », 2021, https://www.agr.gc.ca/atlas/bimat?lang=fr&

3. Régie de l’énergie du Canada, « Adoption des sources d’énergie renouvelable au Canada – Analyse des marchés de l’énergie », 2020, https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/produits-base-energetiques/electricite/rapport/adoption-sources-energie-renouvelable-canada-2017/adoption-sources-denergie-renouvelable-canada-analyse-marches-lenergie-biomasse.html

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