La Chine – canari de l’industrie minière – chante encore
Surveiller la Chine pour entrevoir l’avenir de l’exploitation minière
Tout comme le reste du monde a commencé à se tourner vers la Chine pour savoir jusqu’où son économie reculerait et à quelle vitesse elle se rétablirait rapidement de la pandémie, l’industrie des mines et métaux aurait tout intérêt à examiner l’influence de la Chine au cours des deux dernières décennies afin de mieux orienter sa planification opérationnelle relative à la demande mondiale future après la pandémie de COVID-19.
Au cours des vingt dernières années, la Chine est passée de la taille économique de l’Italie à celle de l’ensemble de l’Union européenne. Certains analystes prédisent que son PIB pourrait dépasser celui des États-Unis au-delà de 2030.
Même à un taux de croissance du PIB de 6,1 % en 2019, qui affichait un ralentissement relatif, la Chine ajoutait encore plus de valeur qu’en 2007, à l’époque de son taux de croissance record de 14 %. Son moteur économique colossal consomme maintenant[1] une part étonnante des produits miniers, des métaux et des matériaux industriels à l’échelle mondiale :
- Plus de 60 % de l’ensemble du ciment et du béton
- 50 % du nickel total
- Plus de 50 % du charbon total
- 50 % de l’ensemble de l’acier et du cuivre
- 47 % de l’aluminium total
- 27 % de l’or total
- 14 % du pétrole total
Depuis 2005, la croissance de la demande chinoise était plusieurs fois supérieure à la croissance de la demande combinée du reste du monde, déterminant ainsi les prix mondiaux des principaux produits de base. Ce lien a été si important que les flux de trésorerie des grandes sociétés minières et métallurgiques dépendent intrinsèquement de la situation en Chine et de la réaction de l’industrie.
Bien entendu, la conjoncture a inquiété l’industrie. Mais s’il est vrai que la COVID-19 a provoqué un repli jamais vu auparavant dans la production économique mondiale, la reprise émergente de la Chine à la suite de mesures de confinement draconiennes permet d’espérer que les répercussions de la pandémie pourraient être à court terme. Dans cinq ans, la pandémie de COVID-19 pourrait n’être qu’une baisse passagère sur le graphique de croissance économique de la Chine.
Il est important de comprendre que la Chine, malgré sa domination mondiale, dispose d’un PIB par habitant relativement modeste s’élevant à 10 000 $, ce qui ne représente que 20 % du PIB par habitant aux États-Unis. Alors que la part dominante de son PIB passe de l’industrie aux services, la Chine, dont la population est deux fois plus importante que la population combinée des États-Unis et de l’Union européenne, a encore amplement de marge de croissance et beaucoup d’appétit pour les produits de base miniers.
Leçons de l’histoire : ce que l’incidence de la Chine sur le secteur minier par le passé nous a appris sur la façon dont nous devons gérer nos entreprises aujourd’hui
En y regardant de plus près, nous pouvons tirer de l’histoire de la Chine et de celle de l’industrie minière plusieurs leçons importantes dont les investisseurs et les propriétaires industriels peuvent profiter.
- Méfiez-vous de la ruée vers l’or – faites confiance aux analyses indépendantes. Il a été tentant de miser sur la croissance stupéfiante de la Chine. Toutefois, nous avons été à même de constater comment les PDG et leurs conseillers financiers qui, hier, cédaient à l’engouement pour les grosses ententes et pour les honoraires conditionnels substantiels, contournaient les processus internes et indépendants d’examen des investissements, même lorsque ces examens révélaient des problèmes fondamentaux concernant la viabilité sur les plans technique, commercial et financier.
- Les prix élevés des produits de base ne constituent pas une garantie de succès. De nos jours, la mise en valeur de nouveaux gisements éloignés représente un défi technique et économique puisqu’il faut respecter les délais, le budget et la capacité nominale tout en obtenant et en maintenant le permis social d’exploitation. De nombreuses variables critiques exigent l’engagement de spécialistes. Même si la demande de la Chine est insatiable, les prix des produits de base dépendent de l’offre et sont rarement garantis. Un nouveau projet doit viser l’atteinte du coût unitaire le plus bas possible, cette variable constituant l’ultime moyen d’en mesurer la viabilité potentielle.
- Effectuer une modélisation financière à scénarios multiples. Il est important de tester la résilience du projet et du promoteur face aux fluctuations de l’offre et des prix des produits de base et à la guerre des prix concurrentiels en effectuant une modélisation financière à scénarios multiples ou basée sur des probabilités.Bien qu’aucun projet ne soit à l’abri du genre d’incertitude qui découle d’événements tels que la COVID-19, une évaluation approfondie qui a permis de cerner et de tester un éventail de scénarios possibles résiste mieux aux changements imprévus.
- Accroître les marges avant les capacités. La croissance étonnante de la Chine a amené de nombreuses entreprises existantes et de nouvelles venues à accroître de beaucoup leurs capacités au cours de ces années. Cet afflux d’offre sans précédent a fait en sorte que même certains des plus gros joueurs ont subi les effets délétères d’une offre excédentaire sur les prix des produits de base, ce qui leur a causé des BAIIA négatifs. De plus en plus, ce qui distingue les entreprises résilientes et prospères à long terme est l’importance qu’elles accordent à l’accroissement de la marge avant la capacité. Pour ce faire, il faut effectuer une analyse globale de toutes les options possibles en matière d’économies de coûts, d’efficacité de la production et d’application de nouvelles technologies afin d’augmenter les marges sur coûts unitaires.
Certaines activités économiques de la Chine se rétablissent déjà des effets de la COVID-19, et ce, plus tôt et plus rapidement que dans toute autre grande économie. L’approvisionnement en Chine maintiendra à flot l’industrie minière malgré le ralentissement économique observé dans le reste du monde. Et la demande du pays ne cessera pas de croître après la COVID-19.
Nous n’avons certainement pas encore vu la Chine à son apogée, malgré les prévisions antérieures à cet effet, et peut-être que même une pandémie mondiale ne peut la détourner de sa trajectoire. Voilà de bonnes nouvelles pour l’industrie minière. Cependant, les navires ne se pilotent pas d’eux-mêmes et certains ont heurté des écueils en dépit d’un commandement fort – ou en raison de celui-ci. Une expertise objective, indépendante, bien ancrée et éprouvée a toujours représenté un moyen vital de protéger et d’améliorer la viabilité technique, commerciale et financière d’un projet pour ses exploitants et pour les investisseurs ou les créanciers de ces derniers. Avez-vous appliqué les leçons tirées de la Chine à votre stratégie d’affaires à long terme? Votre succès en dépend.
Référence
[1] Statista, MC Group, World Steel Association
Ian Brown
Directeur, Groupe consultatif
Ian Brown se spécialise dans la stratégie, la planification opérationnelle, l’évaluation des investissements et des transactions ainsi que l’amélioration des coûts et des délais d’exécution. Fort de quarante années d’expérience en services-conseils à l’échelle mondiale, il a mené des projets dans la plupart des continents pour des clients des secteurs commercial, financier et gouvernemental.
Directeur du Groupe consultatif Hatch au bureau de Mississauga, à Toronto, il soutient des clients dans les domaines de la stratégie, de la planification opérationnelle, de la viabilité des projets et des délais d’exécution. Ian est secondé par des équipes de travail chevronnées qui intègrent des compétences en ingénierie, en affaires et en finances afin de mener à bien des évaluations approfondies. Il a réalisé de nombreuses affectations internationales en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Afrique, en Europe, en Russie, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. Reconnu pour son esprit novateur, Ian est l’auteur d’une prévision de la demande décrite par la Banque mondiale comme étant « l’une des plus novatrices et des plus sophistiquées jamais reçues ».
Au fil des ans, il a dirigé pour des clients du domaine des services financiers de nombreux mandats dans les secteurs des mines et métaux et des infrastructures en élaborant des conseils sur l’évaluation de projets ou de transactions liés au soutien au client, y compris pour le compte de créanciers garantis d’entreprises aux prises avec des difficultés financières. Du côté des entreprises clientes, ses mandats relevaient généralement du président-directeur général.